Je vous propose aujourd'hui un extrait du livre de Philippe Bihouix, L'âge des Low Tech paru au Seuil.
"Retrouvons un peu d'audace, osons, inventons, bricolons. Et même si cela ne suffit pas à sauver la planète, n'hésitons pas à traduire au quotidien quelques principes, des actes les plus simples aux plus engageants, au choix. Primum non nocere (d'abord ne pas nuire), voilà un précepte hippocratique que nous devrions appliquer plus souvent, avant de vouloir faire de la "médecine planétaire" à coups de géo-ingénierie hasardeuse !
Utiliser des sacs plastique biodégradables pour transporter ses courses, c'est sans doute un peu mieux sûrement. Ou des sacs en papier, encore mieux sans doute. Mais pourquoi ne pas réutiliser ses sacs d'une fois sur l'autre, papier ou plastique ? Ou ne plus utiliser de sac jetable du tout ? Je mets mon pain dans un sac en toile, tout bonnement ce que tout le monde faisait il n'y a pas trente ans, et je dois être le seul du quartier car mon boulanger me regarde toujours un peu bizarrement. Mais n'ayons pas peur d'être ridicules, d'être pionniers, d'être moralisateurs, de (re)parler à nos voisins, aux commerçants ou aux collègues, de remettre en cause un peu de notre confort et de nos certitudes.
Toujours interrogeons-nous : Est-ce que je peux faire sans ? Est-ce que je peux faire moins ? Est-ce que je peux faire plus simple ? Et d'ailleurs, pourquoi est-ce que je dois faire ? Et ne pourrais-je faire avec ce qui existe déjà ?
Choisissons, parfois, d'en faire le moins possible. D'abord ne pas nuire,encore, ne pas détruire ce qui peut davantage être préservé. Ce serait déjà une vraie révolution, tant nous en sommes éloignés aujourd'hui. Ensuite, peut-être ne pas s'acharner à "réparer" à tout prix, regarder avec circonspection les réhabilitations de certains sites industriels - quand la dépollution consiste à racler la terre polluée pour aller l'enfouir ailleurs.
Retrouvons les vertus de la réglementation, même de l'interdiction, et ne comptons pas seulement sur l'"efficacité du marché". Attaquons-nous aux gros morceaux de la consommation où les mesures peuvent être rapides, efficaces, exemplaires, visibles : chasser la bagnole de partout, tout en l'allégeant et en limitant sa vitesse ; réduire les déchets de la grande consommation, en introduisant des restrictions sur les emballages, en imposant quelques formats uniques de bouteilles pour introduire une consigne universelle et la réutilisation systématique ; généraliser le bio et les circuits courts dans l'agriculture ; réglementer la vente de produits jetables, de jouets, de piles... Introduisons des barrières douanières, tarifaires, réglementaires, normatives, pour refuser l'inévitable nivellement par le bas, la pression à la baisse sur les prix, les conditions sociales et environnementales et la qualité des produits.
Luttons, en priorité, contre l'irréversible, notamment l'artificialisation des terres, l'empoisonnement des sols, l'étalement urbain et les derniers éléphants blancs des travaux publics, autoroutes, lignes ferroviaires à grande vitesse, tunnels ou canaux. Créons des associations, assignons en justice, soyons pénibles, interpellons nos élus qui se complaisent, par habitude, pour leur gloriole personnelle ou pour des raisons moins avouables, dans le saccage de nos territoires."
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