Climat : entre incertitudes scientifiques et lobbyisme sans vergogne, rien ne bouge



Bientôt la COP 21 et pourtant on a l'impression que rien n'avance.

Bien sûr, on entend partout qu'il faut limiter l'augmentation des températures mais entre les y'a qu'à et les faut qu'on, on ne voit pas beaucoup de mesures concrètes mises en place.

Pour mieux comprendre pourquoi les choses ne changent pas, je vous propose aujourd'hui un extrait du livre Le climat va-t-il changer le capitalisme ? sous la direction de Jacques Mistral.

"Avant d’aller plus loin, il est toutefois utile d’examiner brièvement le socle scientifique justifiant un programme d’action planétaire dont l’ampleur sans précédent laisse peu de doutes sur le fait que le consensus ne sera pas facile à atteindre.

Depuis plusieurs années, la prise de conscience n’a certes cessé de s’étendre, mais les gouvernements auront besoin d’un très large soutien populaire pour s’engager.
Or la question du changement climatique reste un sujet polémique. La partie émergée de cette polémique est facile à parcourir, le climato-scepticisme étant beaucoup alimenté par les lobbies qui expriment sans vergogne les intérêts des secteurs liés aux énergies fossiles. C’est, en particulier aux États- Unis mais pas seulement, une longue histoire et elle ne se limite évidemment pas à la question du changement climatique.

Deux historiens des sciences, Naomi Oreskes et Erik Conway, auteurs de l’ouvrage Les Marchands de doute, ont mis à nu ces pratiques par lesquelles le langage, les protocoles de validation et les méthodes de diffusion scientifiques étaient dévoyés et utilisés pour présenter comme soumises à controverse, et donc peu fiables pour la prise de décision, les connaissances embarrassantes pour l’industrie du tabac, les restaurants fast-food ou la chimie responsable des pluies acides.

Il en va de même, sans surprise, en matière de climat, et un cas spectaculaire a récemment retenu l’attention, celui de Willie Soon, astrophysicien travaillant au prestigieux Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, qui s’est ainsi trouvé impliqué dans une sorte de trafic d’influence. Ces manoeuvres pernicieuses sont en fait assez faciles à débusquer car la critique proprement scientifique de ces travaux est en général rapide et efficace (ce fut le cas dès le premier article de Willie Soon).

Mais la question se déplace ensuite sur le terrain proprement politique lorsque des élus (en l’occurrence les républicains du Congrès) s’appuient sur ces travaux pour disqualifier l’expertise, semer la confusion dans les esprits et repousser l’adoption de mesures correctrices face à des risques bien documentés (cancer ou obésité en rapport avec le tabac et les hamburgers).

Face à ces manoeuvres, une seule réponse : une opinion publique vigilante et une mobilisation politique autour de propositions capables de susciter l’adhésion la plus large. Mais la solution du problème est rendue plus difficile par le fait qu’à côté de ces doutes artificiellement fabriqués subsistent des questions honorables qu’on ne peut balayer aussi facilement.

La complexité du problème climatique est en effet telle que l’on ne peut se dissimuler ni le caractère approximatif des modélisations ni l’ampleur des incertitudes qui affectent leur paramétrage et par conséquent leurs résultats. Les scientifiques eux-mêmes admettent par exemple que leur connaissance des interactions entre les océans et l’atmosphère (ce qui est un peu le coeur du sujet) reste imparfaite.

Le GIEC ne cherche d’ailleurs pas à masquer l’incertitude des prévisions puisque la hausse possible des températures s’échelonne entre 0,2 et 4,8 °C. Au sein de la communauté scientifique certains s’interrogent plus fondamentalement sur l’existence de rétroactions autocorrectrices comme l’augmentation de la masse nuageuse que les modèles ne prennent pas bien en compte (quelque chose comme les stabilisateurs automatiques en économie).

D’autres au contraire, comme l’American Association for the Advancement of Science, ont dans la période récente souligné un risque supplémentaire lié à la possibilité d’enchaînements non linéaires : peut-être y a-t-il un niveau de CO2 au-delà duquel toute augmentation, même marginale, enclenche des mécanismes cumulatifs irréversibles ?
À vrai dire, personne ne le sait, et les modèles non linéaires étant d’une très grande sensibilité, on voit qu’il n’est pas difficile, en matière climatique, de se trouver confronté, sur son écran, à des risques extrêmes ; l’industrie cinématographique ne s’y est d’ailleurs pas trompée.

Ainsi, nous disposons de connaissances scientifiques abondantes, variées et convaincantes mais imparfaites, incomplètes et provisoires, sur lesquelles nous sommes évidemment, comme citoyens ou comme décideurs, dans l’incapacité de former un jugement sur le fond. Comment exercer au mieux ses responsabilités dans la vie de la cité dans de telles situations, c’est le problème majeur des sociétés démocratiques et le climat le pose avec plus d’acuité que dans beaucoup d’autres domaines.

Il n’est donc pas surprenant que certains, comme Naomi Klein dans un récent ouvrage à succès, soient tentés de faire du combat contre le réchauffement climatique une sorte de croisade que seul l’enthousiasme militant serait capable de remporter.

C’est aux yeux de la plupart des économistes prendre le risque de décisions erronées dont les conséquences négatives, en termes de coût pour les finances publiques, d’incertitudes pour les entreprises et de pouvoir d’achat pour les populations, feraient beaucoup plus qu’annuler les effets bénéfiques attendus d’une moindre sécheresse ou d’espèces menacées mieux protégées."


Pour aller plus loin...



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