Le livre nous fait froid dans le dos, on se demande bien souvent comment c’est possible, comment on a pu en arriver là, comment la simple cupidité de grands groupes a pu conduire à des pratiques aussi dangereuses et catastrophiques, comment l’Etat a-t-il pu nous cacher tant de choses ?
D’une lecture facile et « plaisante », malgré le sujet très grave, ce livre est nécessaire et devrait être lu par tous pour qu’enfin, les autorités publiques commencent à se réveiller et prendre des mesures pour qu’on arrête enfin notre empoisonnement massif.
En voici un extrait, pour vous mettre, si je puis dire, en appétit :
« Accepterez-vous une dernière cuillerée ? Hé bien, dans ce cas, parlons des pommes. Pourquoi ? Simplement parce que nous aimons ces fruits. Beaucoup, réellement. Quoi de plus beau qu’une pomme et son verger, disons en septembre, au soleil couchant ? Robe rouge, robe dorée ou mordorée, cueillette et bonheur. Les nuits fraîches du début de l’automne, la rosée du matin suivie d’un vrai soleil pigmentent la peau du fruit et changent sa couleur.
Comment sont-elles conservées ? Voici ce qu’on peut lire sur le site Internet des producteurs du Limousin : « la pomme est un produit vivant, elle respire et vieillit assez vite à l’état naturel. Nous pratiquons une conservation tout à fait naturelle, sans aucun traitement post- récolte : il suffit d’abaisser la température à 1 °C, et de priver le fruit d’oxygène pour le bloquer. C’est l’atmosphère contrôlée. Une conservation optimale des pommes demande une descente en température très rapide. Ainsi l’idéal est de descendre en dessous de cinq degrés en 4,5 jours. »
Un détail capital est caché dans le paysage. Saurez-vous le reconnaître ? Oui, c’est celui-ci : « sans un traitement post-récolte ». Nous sommes chez des arboriculteurs exigeants, qui se privent volontairement de pesticides après la cueillette. Mais les autres ? Mais les mêmes avant la récolte ?
L’arboriculture industrielle intensive et une opération lourde, où la moindre anicroche peut mettre en jeu une saison entière. Pas question de tolérer une seule moisissure, le moindre champignon, le plus malingre des insectes. La seule solution, c’est la pulvérisation. Les pulvérisations.
Les vergers – tous fruits confondus – occupent à peu près 1 % de ce qu’on appelle la surface agricole utile (SAU), mais consomment 4 % des fongicides et 21 % des insecticides. Dans 21% des exploitations, selon la même enquête, les eaux de rinçage de ces nobles activités finissent aussi bien dans la cour que dans le fossé de son voisin. La moitié des arboriculteurs brûlent les emballages de pesticides et ce qu’ils contiennent encore. Au-dessus de 10 hectares, plus de 20 % d’entre elles détiennent des produits de traitement qui ne sont pas légalement utilisables (source : Agreste Primeur). Et la pomme décroche dans ce domaine le pompon, d’abord parce qu’elle occupe 54 000 hectares sur les 275000 du verger français.
Comment font les marchands ? Oui, comment font-ils pour que les pommes – de deux ou trois variétés en général – soient toujours aussi splendides en apparence que celles offertes à Blanche-Neige par cette garce de sorcière ? Très simple : près de 130 matières actives sont homologuées pour les différents traitements du pommier. A bas l’oïdium, la tavelure, la moniliose, mort au puceron, à la cochenille, aux acariens, au carpocapse ! Ce dernier est un papillon de nuit dont la larve entre dans le fruit au printemps. La pomme véreuse que nous connaissons tous, il en est responsable. Et contre lui et ses petits amis, la guerre, sans prisonniers. Nos pommes subissent de 21 à 36 traitements différents par an – en moyenne 27 (source : enquête sur la structure des vergers en 1997, Agreste, 1998). Plus le verger est grand – l’arboriculteur ne peut surveiller chaque arbre – et plus les traitements sont massifs. Pas de quartier : tous les arbres ont droit à des « pulvérisations de précaution ». Oui, on appelle ainsi cette folie chimique.
Encore laisse-t-on de côté d’autres produits, comme ceux qui servent à limiter la croissance des « organes aériens » de l’arbre, qui visent le système de ramification, ou le « niveau de nouaison » des fruits, l’ « inhibition du rejet des bourgeons », sans compter les petits finauds qui stimulent la rhizogenèse. Oui, être pommier en France se mérite et se paie. Chaque hectare de verger reçoit parfois plus de 25 kilos de pesticides par an. Rassurez-vous, il y a pire. Les champignons – ces délicieuses choses blanches qui poussent dans les supermarchés – en reçoivent plusieurs centaines de kilos. L’humidité, savez-vous, est vraiment un grand danger pour ces productions fragiles. »
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